jeudi 25 septembre 2008

Avis d'un spécialiste

Nick Leeson: "La surveillance des banques, c'est David contre Goliath"

L'ancien trader escroc, tombeur de la Baring's, critique le manque de moyens des autorités de contrôle."Ce que j'ai pu faire chez Barings dépasse l'imagination", a-t-il dénoncé.

Bruxelles (L'Echo) -  De passage à Bruxelles, à l'invitation de Financial Architects, une société de logiciels de gestion de risque, Nick Leeson a prononcé une conférence sur... la gestion de risque dans le secteur bancaire! Nick Leeson est ce trader qui avait mis par terre à lui tout seul la banque britannique Barings en 1995 en effectuant des transactions interdites sur l'indice japonais Nikkei. Il avait creusé un trou de 827 millions de livres et avait été condamné à quelques années de prison à Singapour. Interview... 

La crise du crédit a montré, comme dans l'affaire Barings, que la gestion de risque laisse à désirer chez les banques. Comment cela se fait-il?
La gestion de risque? Beaucoup de risque, mais peu de gestion... Les banques et les institutions financières ne sont pas enclines à mettre de l'argent dans la gestion de risque. Pour elles, ce ne sont que des coûts. Après la chute du fonds à levier LTCM, de Barings et de quelques autres, les banques ont eu suffisamment d'occasions de renforcer le contrôle interne. Mais l'accent est mis sur la course après l'argent, sur la cupidité. Les banques n'ont pas suffisamment compris que la gestion de risque sert en définitive à sauver du capital, y compris le leur. Elles sont en outre convaincues que les problèmes qui touchent les autres ne les frapperont pas elles-mêmes.


Ce n'est pas uniquement en interne que ça a mal tourné, les organismes de surveillance sont aussi intervenus trop tard...

Cela n'a rien de surprenant. L'expertise sur les marchés financiers va à celui qui a le plus d'argent pour se  la payer:  ce ne sont ni les gouvernements ni les banques centrales mais bien les institutions financières... C'est un peu comme David contre Goliath. Les organismes de surveillance, les banques centrales et les régulateurs n'ont ni l'expertise, ni les moyens en interne pour exercer leur tâche comme ils e doit. Ils ne peuvent dès lors pas poser les bonnes questions aux institutions financières.

Ce que j'ai pu faire chez Barings dépasse l'imagination. La banque centrale britannique avait donné à Barings à Londres l'autorisation pour envoyer à Barings Singapour un montant égal à deux fois le capital de la banque. C'était dix fois plus que permis, simplement parce que les gens à la banque centrale n'avaient pas compris. Aussi longtemps que l'équilibre ne sera pas rétabli entre le grand char d'assaut (les institutions financières) et le petit pistolet (les gouvernements, les banques centrales et les régulateurs) en matière de connaissance et de rémunération de cette connaissance, cela continuera à aller de travers.


Les conseils d'administration et les directions des banques comprennent-ils bien les produits financiers dans lesquels ils investissent?
Il ne suffit pas de disposer de toute l'information - et celle-ci fait déjà défaut -, encore faut-il la comprendre. Et sur ce plan, cela a évolué de travers. Toute banque devrait veiller à ne pas aller si loin  que certains produits en deviennent incompréhensibles (je pense surtout aux produits dérivés et aux véhicules hors bilan). Cela m'étonne que la Société Générale ait été victime fin janvier d'une fraude massive, car elle disposait des meilleures personnes en son sein pour comprendre ces produits. Mais le problème est que ces personnes sont souvent trop éloignées du terrain où ces produits sont négociés. Il ne faut pas opérer dans ce qu'on ne comprend pas. Il faut comprendre soi-même les risques et les expliquer aussi aux clients, ce qui n'a pas été fait non plus.

Comme chez Barings, était appliqué un système de bonus basé sur l'ampleur des bénéfices obtenus pour la prise de gros risques. Faut-il modifier cela?
Ce sera très difficile car le système de bonus est précisément ce qui attire les personnes les plus intelligentes. Le problème n'est pas tant le système de bonus que les sommes gigantesques qui sont confiées à des personnes qui ont souvent moins de 30 ans. Des gens comme moi lors de ma période Barings à Singapour, sans expérience de vie et motivés par le statut et le succès. Ca a été ma plus grosse gaffe. Je regrette ce que j'ai fait, mais je ne peux pas faire remonter le temps. Mon conseil aux jeunes traders? N'essayez pas de redresser une situation  issue de mauvaises décisions en en prenant de plus mauvaises encore! r     

Propos recueillis 
    par Robert Messiaen

source: L'Echo.be

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