lundi 26 mai 2008

@ Trends-Tendances

Salaire des patrons : Reynders veut plus de transparence mais refuse de légiférer

23/05/2008 11:08

Les salaires des grands patrons continuent de défrayer la chronique. Didier Reynders compte bien lancer le débat d'une plus grande transparence lors du conseil des ministres socio-économique, qui se tient ce vendredi. A ses yeux, il n'est cependant pas souhaitable de légiférer sur le niveau de ces rémunérations. L'occasion, aussi, de jeter un œil sur les pratiques de nos voisins européens.

Didier Reynders, ministre des Finances, préconise une transparence accrue des grandes entreprises sur la rémunération de leurs dirigeants, soulignant voici peu «des cas d'excès» en Belgique. A l'occasion du conseil des ministres socio-économique, qui se tient ce vendredi, il compte ouvrir le débat : «C'est un problème de cohérence sociale. Il ne peut y avoir des règles strictes quant à l'évolution des salaires des travailleurs et aucune règle pour les rémunérations des grands patrons et membres des directions.»



Mi-mai, Didier Reynders se déclarait ainsi favorable à l'adoption, au niveau européen, d'un «code de conduite» en la matière. Il convient également, dans le cadre des négociations interprofessionnelles en Belgique, «qu'on accepte, du côté patronal, de fixer certaines limites». Le ministre des Finances a ensuite délimité quelque peu le champ d'application de législations futures : «Si l'on devait légiférer, ce serait sur les parachutes dorés et sur les conflits d'intérêt», mais pas sur le niveau des salaires.
Reynders : légiférer sur les parachutes dorés mais pas le niveau des rémunérations

A ses yeux, «il n'y a pas beaucoup de sens à bénéficier d'un parachute doré quand on quitte l'entreprise pour mauvaise gestion. Si un salarié est licencié pour faute grave, il ne bénéficie pas d'un package.» Didier Reynders envisage aussi de réglementer les pratiques des patrons qui recourent aux fusions et acquisitions pour gonfler leurs stock-options personnelles.

Il n'est par contre pas souhaitable de légiférer sur le niveau des rémunérations, notamment parce qu'elles varient en fonction de la taille des pays, selon lui. «Si vous voyez les salaires des patrons allemands, vous vous dites : de quoi parle-t-on en Belgique ? Je ne voudrais pas que les règles européennes finissent par tirer à la hausse les montants en Belgique.»

Il revient aux actionnaires de décider de la rémunération des patrons, d'après lui. Pour encadrer ce processus, «on développe en Belgique la transparence des organes de gestion» qui «doivent communiquer ce qu'on met dans le package». Les rémunérations des patrons devront en outre être évoquées dans le cadre des négociations interprofessionnelles.

Lors de la publication des salaires des grands patrons, les responsables politiques lancent souvent de nouveaux projets pour limiter les bonus et autres largesses financières. Mais ces propositions se concrétisent rarement. Petit tour d'horizon en Belgique et chez nos voisins.

En Belgique : un plafond au salaire des patrons d'entreprises publiques ?

Les bonnes intentions quant aux salaires des dirigeants se succèdent chaque année, lorsque les émoluments des grands patrons sont rendus publics. Au début des années 2000, Vincent Van Quickenborne, alors sénateur Volksunie, avait proposé de rendre publiques les rémunérations directes et indirectes des membres de la direction et du conseil d'administration. Mais son idée n'avait pas fait l'unanimité, certains l'estimant trop drastique notamment en ce qui concerne la publication des avantages en nature, des rétributions pour missions spéciales, etc. Faute de compromis, le projet avait été mis au frigo.

Suite au scandale, en 2005, des émoluments de Jan Coene (ex-Picanol), qui avait négocié un chèque de 22 millions d'euros sur trois ans, le projet de loi reviendra sur le devant de la scène. Mais il sera rejeté à la Chambre. En revanche, les recommandations du code Lippens ont pris le relais et sont entrées en vigueur en 2005. Celui-ci conseille de publier les rémunérations du CEO et du président du CA. Les sociétés peuvent cependant déroger à la règle si elles en expliquent les raisons.

Ecolo et Groen! viennent néanmoins de ressusciter l'ancienne «loi Picanol», en représentant le projet à la commission Droit commercial de la Chambre. De son côté, Inge Vervotte, ministre des Entreprises publiques, veut imposer un plafond aux rémunérations des patrons d'entreprises publiques (Poste, Belgacom, SNCB, etc.). Cette limite devrait être fixée par des experts, en tenant compte des pratiques dans les secteurs concernés. Une partie variable devrait également dépendre de critères quantifiables, comme les résultats financiers, la croissance et la satisfaction des usagers, a-t-elle indiqué devant la commission Infrastructures de la Chambre. En conséquence, certains salaires pourraient être revus à la baisse... Inge Vervotte espère une décision dans ce dossier pour la fin du mois de juin.

Aux Pays-Bas : les 3 mesures fiscales du ministre Bos

Le discours de Wouter Bos, ministre néerlandais des Finances, a fortement évolué au cours des derniers mois. Il s'est d'abord fortement inquiété de certaines rémunérations qu'il jugeait sans lien avec les prestations. Les salaires de grands patrons comme Michel Tilmant (ING), qui a reçu 4,3 millions en 2006, ou Don Shepard (Aegon), qui a gagné 6,35 millions d'euros, ont ainsi alimenté le débat. Sans compter la vente de Numico à Danone, qui a permis à son patron d'hériter de 74 millions d'euros. Le ministre, soutenu par une partie du patronat, a alors plaidé pour qu'on instaure une législation en la matière.


Devant la levée de boucliers de certains milieux d'affaires, Wouter Bos a affectué une courbe rentrante, estimant que la question concernait l'entreprise. Il a ainsi mis son veto à une proposition de son parti, l'année dernière, de passer de 52 % à 55 % d'imposition sur la tranche de revenus la plus élevée, soit 250.000 euros annuels. Il a, par contre, invité les conseils de surveillance des entreprises à fixer un plafond aux salaires et bonus des dirigeants.

C'était compter sans le cadeau d'adieu - 26 millions d'euros - de Rijkman Groenink, ex-patron d'ABN Amro, suite au démantèlement de la banque. Cette fois, le gouvernement néerlandais propose plusieurs mesures fiscales.

1. Les parachutes dorés et autres primes de départ seront ainsi taxés à hauteur de 30 % pour les personnes dont le salaire annuel dépasse 500.000 euros. Mais la prime doit être supérieure au salaire annuel pour être taxée à 30 %.

2. Une forte augmentation du salaire, en fin de carrière, afin d'améliorer le niveau de la pension, sera également découragée via l'instauration d'une taxe supplémentaire de 15 % sur la prime de retraite forfaitaire ainsi calculée.

3. Les gestionnaires de fonds de private equity devraient également être plus lourdement taxés. Selon l'agence de presse ANP, les gains seront taxés à hauteur de 25 %.

Ces trois mesures devraient être soumises au vote courant 2008 et entrer en vigueur le 1er janvier 2009.

En France : des bonus liés à la performance de l'entreprise

Le salaire des patrons est également un sujet sensible en France. La prime de 8,5 millions d'euros de Noël Forgeard (ex-EADS) ou encore les 13 millions d'indemnités d'Antoine Zacharias (ex-Vinci) ont fait couler beaucoup d'encre. Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy était monté au créneau, déclarant qu'il «était légitime que la réussite paie mais scandaleux que l'échec enrichisse». L'organisation patronale française s'est contentée d'appeler ses membres à une approche «équilibrée entre l'intérêt général de l'entreprise, les pratiques du marché et les performances des dirigeants».

Plusieurs mesures législatives ont cependant été prises, d'autres ont été abandonnées. En 2005, la loi Breton, du nom de l'ex-ministre des Finances, impose ainsi que les rémunérations exceptionnelles - indemnités de départ, retraites, etc. - soient soumises à l'assemblée générale des actionnaires. Nicolas Sarkozy a également fait passer la loi «Travail, emploi et pouvoir d'achat» (Tepa) qui oblige que l'octroi de bonus soit lié à des conditions de performance. Avec quelques résultats, même si les critères d'évaluation restent souvent vagues.


Chez Axa, quand le cours de la société chute en Bourse, Henri de Castries le ressent désormais dans son portefeuille : ses émoluments ont diminué de 12 % alors que le titre a baissé de 11 % en 2007, notait le quotidien Le Figaro. Scénario identique pour Daniel Bouton (Société Générale), dont les rémunérations ont chuté de 62 % après l'affaire Kerviel, remarque le magazine Le Point.

Enfin, depuis la loi de finances 2008, les parachutes dorés - qui doivent également répondre à des conditions de performance - ne sont plus déductibles du bénéfice de l'entreprise s'ils dépassent le million d'euros. Et le régime fiscal des plus-values des stock-options a été durci. En revanche, la proposition d'un sénateur socialiste de taxer à 8 % les bénéfices des stock-options a été abandonnée.

En Allemagne : Merkel se refuse à limiter les salaires des patrons par la loi

Depuis la publication obligatoire, en 2005, des revenus des membres du directoire (comité de direction), Josef Ackermann, patron de Deutsche Bank (qui reçoit 14,3 millions d'euros), est devenu un emblème dans ce débat. Tout comme les six membres du directoire de Porsche, qui se sont partagé plus de 113 millions d'euros. Dont, selon certaines estimations, 60 millions d'euros pour Wendelin Wiedeking, qui dirige le groupe automobile.

Le président et la chancelière allemands ont mis en garde les entreprises contre tout excès. Mais Angela Merkel se refuse à toute initiative législative ou fiscale pour limiter les revenus des grands patrons. Elle n'a donc pas donné suite au projet de sa ministre de la Justice de laisser les assemblées générales fixer les rémunérations des directoires.

Cette prise de position n'a pas empêché le parti social-démocrate, partenaire dans la coalition d'Angela Merkel, de promouvoir quelques mesures fiscales pour limiter les abus. Le SPD propose ainsi de limiter à 1 million d'euros le montant de salaire ou d'indemnité de départ pouvant être déductible du bénéfice imposable de l'entreprise. Au-delà de ce montant, 50 % sera déductible de l'impôt. Des mesures qui ont suscité l'opposition du CDU, également au pouvoir. L'application de telles mesures est donc peu probable.

Au Luxembourg : une législation plus limitée que dans les pays voisins

La législation est plus limitée au Luxembourg que dans les pays voisins. Ainsi, les entreprises ne doivent pas publier les rémunérations individuelles des patrons et administrateurs. Les montants sont collectifs. «Aucune disposition n'impose de lier rémunération des dirigeants et résultats de l'entreprise», explique-t-on chez PricewaterhouseCoopers. Quant à la fiscalité, les rémunérations des administrateurs, sous forme de tantièmes, ne sont pas déductibles pour la société.

Trends.be, avec Nathalie van Ypersele et Belga


source : Trends


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