samedi 5 juillet 2008

Bulle dans l'immobilier


Bruxelles (L'Echo)

Correction, braderie, krach, c’est selon

Les chiffres qui viennent d’être publiés sur l’évolution des investissements immobiliers dans notre pays sont sans appel : les prix du résidentiel sont retombés à leur niveau d’il y a deux ans et sur le marché de l’immobilier d’entreprise, celui des bureaux, des surfaces commerciales, semi-industrielles ou logistiques, des hôtels, des parcs de loisirs ou même des grands ensembles résidentiels, les investissements ont chuté de 40 % au 1er semestre 2008.



On aura beau dire qu’ailleurs en Europe la situation est pire — le recul des investissements y avoisine les 50 % -, il faut se rendre à l’évidence : la crise est là.


On ne peut pas dire que nous n’avons pas été prévenus.

Prenons l’exemple de la Belgique. Les prix du résidentiel y ont progressé dans une mesure telle que la valeur d’une unifamiliale type a doublé en dix ans en moyenne nationale et triplé à Bruxelles et dans certaines communes de sa proche périphérie. Ce n’est pas nouveau puisqu’on avait déjà connu pareille évolution entre le milieu des années 80 et le milieu des années 90, entre le milieu des années 70 et le milieu des années 80… c’est ainsi depuis plus d’un demi-siècle.

Chaque fois, ces progressions ont été suivies d’adaptations que les uns ont qualifiées de corrections, dans lesquelles les autres ont vu des braderies qui leur permettaient de faire une ou plusieurs bonnes affaires et que les troisièmes ont vécues comme des krachs. Ces derniers étaient souvent ceux qui avaient acheté les derniers au prix fort. Objectivement, il s’agissait d’un seul et même phénomène d’adaptation. Subjectivement, il a -évidemment- été vécu différemment par les uns et par les autres.

Pour l’immobilier d’entreprise, le repli est tout aussi clair. Le volume investi sur ce marché a atteint l’an dernier dans notre pays le montant record de 4,84 milliards EUR. On savait qu’une correction était inévitable et sur un marché comme celui-là, qui n’est parcouru que par des professionnels de haut niveau, on feindrait de s’étonner que l’histoire se répète ? Par contre, ce qui ne cesse vraiment d’étonner, c’est notre soif apparente de rationalité qui persiste à nous faire attribuer à des circonstances forcément imprévues, que ce soient les attentats de New York ou la crise des « subprimes », des événements aussi prévisibles que les cycles économiques. Alors que chacun sait fort bien que s’il y a un marché qui obéit à des cycles, c’est le marché immobilier.

Jean Blavier

19:21 - 04/07/2008
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Il y a trois mois, Trends.be disait:

Immobilier : vers une correction sévère en Belgique ?

16/04/2008 10:16

CB Richard Ellis prévoit une chute de 10 % à 15 %, en valeur, de l'immobilier commercial pour l'Europe continentale. Un mouvement déjà amorcé, prévient la société américaine. Or, le FMI dénonçait récemment une surévaluation de 17 % de l'immobilier belge. Faut-il craindre une chute des prix dans le secteur ?

Devinette : quel est le point commun entre l'immobilier et les subprimes, outre les crédits hypothécaires ? La manière dont certains auraient offert sur un plateau le fouet pour être battus... «Les prix de l'immobilier en 2007 furent parfois hallucinants», relève l'étude Emerging Trends in Real Estate - Europe 2008, menée par Urban Land Institute (ULI) et PricewaterhouseCoopers auprès de 500 personnes occupant des postes-clés dans le secteur immobilier de 27 pays. «A Londres, en sérieuse perte de vitesse aujourd'hui, le capital à revenu fixe rapportait à un moment donné jusqu'à 220 points de base de plus que les rendements locatifs (avec des rendements sous les 3 %).» Cherchez l'erreur.

Plus inquiétant pour nous : il semble que le Continent subisse, à l'instar de la Grande-Bretagne, une sévère correction dans l'immobilier commercial. «La raréfaction du crédit y fait aussi sentir ses effets», relevait hier mardi Michael Haddock, responsable de la recherche au bureau londonien de CB Richard Ellis (cité par Le Temps).

En jeu, selon l'expert immobilier : une chute des prix de 10 % à 15 % par rapport au pic de septembre dernier. Selon ses calculs, on en serait déjà à une baisse comprise entre 3 % et 5 %. Certes, ce n'est encore rien en comparaison de la situation outre-Manche, où l'immobilier commercial a dévissé de 16 % en valeur, si l'on en croit les indices d'IPD, société d'études de marché.

L'analyse de Michael Haddock est sans appel : «Le pays paie le prix d'un recours exagéré à l'endettement pour financer des opérations immobilières et à une hausse exagérée des prix. La dynamique du marché a été artificiellement alimentée par l'emballement de l'activité de titrisation. Résultat : de nombreux propriétaires sont forcés de vendre, et les prix chutent. A cela s'ajoute la perspective de bureaux vides en raison de la baisse d'activité dans la banque d'affaires, dont Londres est un des centres, sous l'effet de la crise financière.»

Immobilier : l'inquiétude est-elle de mise ? «Non !»

L'inquiétude monte d'un cran lorsqu'on se souvient de cette récente étude du Fonds monétaire international, qui dénonçait une surévaluation du prix des logements belges de 17 %, selon de récentes prévisions du Fonds monétaire international. La crainte d'une chute immobilière est-elle fondée ?

Ces chiffres sont à nuancer fortement. «Que les gens qui veulent se faire mousser en surfant sur le tsunami des subprimes et en mélangeant tout et n'importe quoi me fournissent les premières lignes de ce modèle mathématique qui permet de tabler sur une surévaluation de 17 %, et je me pencherai sur ces propos qui dépassent l'entendement», botte en touche Eric Verlinden, administrateur du groupe d'agences Trevi. Ce dernier demande au passage qu'on évite les amalgames entre marchés résidentiels spéculatifs (comme ceux d'Espagne et d'Irlande) et le marché rassurant - voire provincial - qui caractérise la Belgique, Bruxelles y compris.

«Ces analystes internationaux prétendent que le marché belge est surévalué de 17 %, ce qui voudrait dire qu'un bien immobilier vendu 100 actuellement vaut en réalité 83. Et ils mélangent allègrement valeur intrinsèque d'un bien et tendances de marché. Je suis de près le marché belge depuis plus de 20 ans et je puis vous certifier que, même au plus fort de la crise des années 1980, on ne parlait pas de surévaluation de tel ordre. Or, les taux d'intérêt culminaient alors à plus de 15 % !»

«Rien n'indique aujourd'hui,» selon Eric Verlinden, «dans les transactions que nous suivons au quotidien, que nous vivons sur une bulle spéculative qui serait même pire que celle enregistrée actuellement aux Etats-Unis».

Il invite donc à la pondération : l'indice trimestriel Trevi, qui se fonde sur toutes les ventes répertoriées ces trois derniers mois, confirme que les prix se tassent, sont proches de la croissance nulle, non qu'ils s'écroulent de 15 % à 20 %. Selon le patron de Trevi, ses concurrents les plus représentatifs - comme Century 21 et les notaires - ne disent rien d'autre : «Certains analystes bancaires ont récemment poussé le bouchon jusqu'à oser des prévisions à 15 ans pour la brique. Restons sérieux !»

«La frénésie d'anticipation des hausses de prix est sans doute derrière nous en Europe de l'Ouest»

«Qu'on m'indique le premier immeuble mis en vente avec la décote de 17 % annoncée en une de certains quotidiens belges de la semaine dernière, et je suis preneur !», renchérit sous forme de boutade Laurens Narraina, partner chez PricewaterhouseCoopers.

Selon le cabinet international d'audit, le marché immobilier a certes été ébranlé à l'échelle mondiale, y compris en Belgique. Et suite à la crise des subprimes, il semble que les prix soient à la baisse un peu partout. Les derniers chiffres le confirment : les banques sont bien décidées à récupérer largement les sommes perdues, et les investisseurs possédant des capitaux propres et connaissant le marché sont de retour en force.

«Mais tout est dans la nuance, on ne peut dire que les tensions sur le marché belge soient préoccupantes. Certains prétendent que les biens immobiliers résidentiels sont surévalués, mais cela ne se traduit guère sur le terrain.» L'expert de PwC tance lui aussi au passage le choix des modèles mathématiques utilisés par les experts pour fonder leurs prévisions. Ces derniers donneraient une importance prépondérante aux taux d'intérêt et à l'inflation.

«Ce qui est vrai, c'est que la frénésie d'anticipation des hausses de prix - avec des rendements en baisse constante (yield compression) - est sans doute derrière nous en Europe de l'Ouest, où le temps de l'argent facile et rapide est révolu,» note encore Laurens Narraina. «Celui qui veut maintenant gagner rapidement de l'argent doit s'orienter vers l'Est ou faire preuve de davantage de créativité sur les marchés bien connus. A ce propos, bien que Bruxelles soit également touchée par la crise, elle reste bien cotée à l'échelle européenne, surtout grâce à son image défensive.»

Bruxelles resterait «la» ville européenne pour les investissements immobiliers

La plupart des experts interrogés resteraient donc optimistes, selon les conclusions de l'étude ULI/PwC. Selon cette étude, Bruxelles serait même «la» ville européenne que les professionnels de l'immobilier conseillent le plus de conserver comme valeur d'investissement, surtout s'il s'agit de biens semi-industriels/logistiques, d'appartements et d'hôtels.

«Ceci indique que notre capitale est perçue comme un investissement stable par les spécialistes interrogés. Cette stabilité historique, renforcée par la présence d'institutions et d'investisseurs internationaux des quatre coins du monde, a toujours été un atout. Mais elle se révèle l'être encore davantage dans le climat actuel. Nous pensons même que les prix immobiliers à Bruxelles atteignent doucement leur niveau le plus bas. Le réalisme est de retour.»

Selon PwC toujours, les perspectives en matière d'immobilier en Europe restent néanmoins prometteuses. Et plusieurs experts pensent que l'on va enfin à nouveau prêter attention aux valeurs de base de l'immobilier, en renonçant à l'ingénierie financière pure, cause de tous les maux dans la crise mondiale actuelle. Les gestionnaires de fonds auraient enfin fait la part des choses. A vérifier.

Trends.be, avec Philippe Coulée


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