jeudi 3 juillet 2008

Pourquoi se limiter à la France ?

Développer
l’esprit de conquête


70 ans d’anticipation
du CJD,
7 idées pour révolutionner
la France


18 juin


Le jeune patron est « naturellement révolutionnaire », déclarait Jean Mersch, fondateur de notre mouvement en 1938 dans sa première publication. Autour de lui, expliquait-il, « tout est vie, évolution, devenir. L’essentiel est d’être un créateur, de ne pas se laisser porter par ce mouvement du monde comme un poids mort, de ne pas s’attacher à des formules périmées, mais au contraire d’être à l’extrême pointe de cette évolution, d’en pressentir le cours et de l’entraîner quand il le faut ».

En 70 ans, le monde a certes radicalement changé, mais il a toujours besoin d’esprits « naturellement révolutionnaires » au sens constructif où l’entendait Jean Mersch : ne pas se satisfaire de ce qui est, repérer les transformations qui s’opèrent en profondeur, être tourné vers l’avenir et, plus encore, l’inventer.

Notre mouvement aussi a changé, bien évidemment. Mais il s’est efforcé de conserver son ADN, en restant une force d’anticipation et de proposition dans les domaines qui sont les siens : l’économique, le social et bien-sûr aujourd’hui l’environnemental et le sociétal.

C’est dans ce cadre et à l’occasion de notre 32ème congrès national qui s’intitule « (R)évolutions » que nous présentons aujourd’hui ces 7 idées pour révolutionner la France.

Nous en défendons certaines depuis plusieurs décennies, avec obstination, car nous savons qu’il faut parfois du temps, beaucoup de temps, pour que les esprits soient prêts. Mais l’expérience nous a montré qu’une cause n’est jamais perdue. Ce fut le cas quand nous demandions le développement de la formation en alternance contre l’avis des autres chefs d’entreprise, des syndicats et des enseignants. Ce fut encore le cas quand nous appelions à la reconnaissance de la section syndicale dans l’entreprise, puis à la délégation unique du personnel ou à la primauté des accords d’entreprise. Toutes ces propositions sont aujourd’hui choses acquises.

Nous pensons donc que nos idées sont révolutionnaires, non parce qu’elles sont forcément nouvelles, mais parce qu’elles nous semblent essentielles pour que la France réussisse réellement à se transformer. Notre pays doit rattraper le décalage qui s’est creusé entre la société et ses institutions économiques et sociales, y compris nos entreprises, dont beaucoup fonctionnent encore selon les principes d’un monde industriel révolu.

Nous n’avons pas souhaité ici entrer forcément dans leur mise en oeuvre concrète et approfondie, nous ne nous attardons pas sur le comment. Non que nous ignorions que c’est souvent là que le bât blesse. Mais justement, il faut, au départ, dépasser les controverses des experts et des techniciens qui se liguent toujours pour dire que ce n’est pas réalisable, que c’est impossible. Nombre de nos entreprises étaient sans doute a priori des rêves irréalisables. Mais, pour reprendre une expression bien connue, comme le disait Gandhi, nous ne savions pas que c’était impossible, alors nous l’avons fait. Le comment n’est un problème que pour ceux qui préfèrent l’immobilisme. Ils ne nous trouveront pas à leur côté.

Nous avons une assez longue expérience de l’expérimentation pour ne pas craindre avoir peur de la mise en oeuvre, ce passage à l’action concrète de nos idées. Car pour transformer la France, nous devons d’abord avoir le courage de la rêver et de l’imaginer différente.

Thomas Chaudron, président national du CJD



2 IDEES POUR RENDRE LES SALARIES VERITABLEMENT ACTEURS DE LEUR VIE PROFESSIONNELLE

1. REFONDER LA PROTECTION SOCIALE SUR UN SYSTEME DE « MILES »

Plus personne ne travaille dans la même entreprise de 20 à 60 ans, en progressant de manière linéaire dans sa fonction et dans son statut (coefficient, échelon, position, titre…). Et notre existence se déroule de moins en moins selon le traditionnel rythme ternaire : école, travail, retraite. Aujourd’hui, et surtout demain, elle relèvera plus de la valse à mille temps : école, stage, année à l’étranger, études supérieures, stage, premier emploi, chômage, emploi, formation de reconversion, emploi, intérim, année sabbatique, emploi à temps partiel, activité libérale, retraite active au sein d’une association… et cela, en changeant plusieurs fois de métier, d’entreprise et de statut.

Pourtant, notre système social, fondé sur la rigidité du monde industriel et la sécurité du plein emploi, n’a pas évolué depuis 60 ans, quand notre modèle économique, lui, s’est radicalement transformé. Le résultat de ce décalage immense, ce sont des déficits abyssaux, une déresponsabilisation massive des citoyens et un enfermement dans des schémas dépassés, mais administrativement indépassables : tous ceux qui ont eu une vie professionnelle mouvementée connaissent les affres de la « reconstitution de carrière » au moment de la retraite !

Il est aujourd’hui indispensable de passer d’un système social qui protège les carrières à un système qui accompagne les personnes et leur donne de l’autonomie. Notre conviction est qu’il faut permettre à chacun d’être à la fois auteur et acteur de sa vie, tout en garantissant une solidarité entre les générations et une responsabilisation entre l’ensemble des citoyens.

Alors, comment faire ? Actuellement, tous les dispositifs d’accompagnement du parcours professionnel sont financés séparément entre formation, retraite et chômage. Il s’agit désormais de fusionner ces dispositifs. La généralisation de « miles », acquis par le travail, permet à chacun de gérer de manière plus fluide ses différents temps de vie : ces « miles », attachés à la personne, sont utilisables tout au long de la vie, sous forme de capital temps ou de revenu, aussi bien pour la formation que le chômage, la retraite ou les périodes sabbatiques. Chaque citoyen dispose d’un capital de « miles » initial et l’enrichit ou le dépense selon ses projets ou son évolution.

Pour garantir la pérennité du principe de mutualisation, seule une partie de ce capital est utilisable chaque année. Comme pour la réserve légale concernant le capital social d’une entreprise, chacun doit obligatoirement se garder une réserve de « miles », évitant ainsi une consommation effrénée ainsi qu’un déséquilibre dans le financement du système global.

De plus, ce principe permet la mise en place d’une véritable politique sociale équitable grâce à des correctifs de solidarité primordiaux :
• le capital de « miles » initial est inversement proportionnel au niveau d’étude (les hautes études permettant généralement par la suite d’en collecter plus) ;
• des miles « citoyens » sont attribués par l’État en contrepartie d’actions créatrices de lien social ou de richesse immatérielle nationale, telles que les activités citoyennes, le bénévolat, les congés parentaux, l’éducation des enfants…
• la pénibilité du travail vient majorer l’attribution des miles tout au long de la carrière, sans attendre, comme aujourd’hui, une hypothétique prise en compte au moment de la retraite.

Ce système donne donc les moyens à chacun d’être entrepreneur de sa vie. Il offre en même temps à l’État une plus grande marge de manoeuvre pour mener une politique sociale ambitieuse et solidaire. Et il permet de trouver un juste équilibre entre liberté individuelle et responsabilité collective, selon les principes du libéralisme responsable que nous défendons.


2. PASSER DU DROIT A L’OBLIGATION INDIVIDUALISEE DE FORMATION

De l’ensemble des droits sociaux financés par l’entreprise (retraite, chômage, maladie…), le droit à la formation est sans doute celui que les salariés revendiquent le moins. Est-ce parce que, contrairement aux autres droits, son financement n’apparaît pas sur la feuille de paie ?

C’est l’employeur qui déclare annuellement à un organisme collecteur le montant des salaires, montant qui sert d’assiette au calcul de la contribution formation de l’entreprise. Et c’est sans doute la deuxième raison de cette relative indifférence : depuis 1971, l’entreprise a une obligation de financer la formation, mais pas de former chaque salarié.

Voilà pourquoi, 35 ans après, on ne cesse, année après année, de se lamenter sur le peu d’efficacité de la formation continue en France : sommes faramineuses collectées, inégalités incroyables entre les différents publics de l’entreprise face aux formations proposées – les mieux formés initialement étant ceux qui bénéficient le plus de la formation continue par la suite -, modes de fonctionnement et d’efficacité très inégaux selon les OPCA …

Redéfinir les droits et devoirs du salarié, de l’entreprise et des organismes en charge de la formation professionnelle est aujourd’hui indispensable pour permettre la nécessaire autonomie des salariés. Si, comme nous le rappelons dans le point précédent, l’entreprise ne peut plus assurer un emploi à vie et si les salariés sont amenés à changer souvent d’orientation et d’activité, leur première sécurité réside dans leur employabilité.

Il nous semble donc primordial de passer d’une obligation de financement de la formation à une obligation d’action : ce qui devient important pour l’entreprise, ce n’est plus de payer un dédit à l’État pour se libérer de son obligation en se donnant bonne conscience, c’est de s’assurer que chacun de ses collaborateurs suive régulièrement et, à minima une fois par an, au moins une formation. Au moins une, car si le financement par l’employeur permet de créer un minimum pour tous, chacun reste bien évidemment libre, grâce à ses « miles », d’enrichir à tout moment son parcours de formation selon ses propres besoins et envies.

Dans ce nouveau schéma, les OPCA actuels disparaissent. Ils sont remplacés par des structures dont les missions principales deviennent le conseil et l’accompagnement, pour la mise en oeuvre de bilans de compétences et de plans de formation personnalisés. Ce soutien technique est indispensable pour éviter le papillonnage et pour construire, au contraire, de véritables parcours individualisés et balisés.

Les salariés se saisiront-ils de ce droit ? On peut se poser la question, quand on voit le démarrage poussif du droit individuel à la formation (DIF). Certes, il peut paraître difficile aujourd’hui d’obliger les salariés à se former. Mais après tout, l’école ou les congés payés ne sont-ils pas obligatoires ? Il faut compter sur une prise de conscience progressive de l’intérêt d’une valorisation et du développement de son propre potentiel. Cela reste encore le meilleur tremplin pour rebondir tout au long de son parcours professionnel.

Quant à l’entreprise, c’est pour elle l’occasion de reconnaître l’importance du capital humain tout en impulsant la dynamique d’une organisation apprenante dont chacun peut tirer bénéfice.



2 MESURES POUR RENDRE NOS ENTREPRISES PLUS JUSTES ET PLUS AGILES


3. SORTIR DE LA LOGIQUE DE STATUT EN RECONNAISSANT ET EN REMUNERANT LES COMPETENCES


Le contrat social entre le salarié et l'employeur est largement issu de négociations du XIXe siècle, quand les employeurs voulaient « attacher » les collaborateurs à l'entreprise. Le contrat de travail était alors censé protéger le salarié contre sa propre aliénation. Dans ce schéma traditionnel, l’expérience répétitive et l’ancienneté primaient sur la compétence et la créativité : un ouvrier devenait spécialisé quand il avait passé plusieurs années à réaliser les mêmes gestes. Il pouvait ensuite espérer passer agent de maîtrise, à force de fidélité.

Que signifient aujourd’hui ces échelons statutaires, gravis avec le temps, dans une société de la connaissance et de l’information, où la mobilisation des savoirs de chacun et l’intelligence collective prédominent, où l’expérience n’a d’intérêt que si elle est soutenue par une ou plusieurs compétences, acquises et maîtrisées, et où ces compétences mêmes doivent être renouvelées en permanence ?

La religion du statut, très française, crée des castes dans l’entreprise, freine l’éclosion des talents, qui doivent « attendre leur tour » pour s’exprimer, et pousse à l’exclusion des seniors, qui « coûtent trop cher ».

Elle est surtout un anachronisme pour les nouvelles générations. Les jeunes qui entrent sur le marché du travail sont déjà dans cette logique de compétences et savent que c’est pour celles-ci qu’on les embauche. Nés avec les technologies de l’information et les jeux en réseau, leur vision du monde n’est plus verticale et dirigiste, mais horizontale et associative. Ils ne comprennent pas la hiérarchie de statut et n’acceptent plus de s’y soumettre aveuglément. Ils préfèrent travailler avec leurs pairs qu’avec des pères et n’hésitent pas à se vendre au plus offrant, ici ou ailleurs. Et il est regrettable de constater que les entreprises françaises ne sont pas, pour nombre d’entre elles, des lieux attractifs et privilégiés
d’épanouissement et de stimulation personnels.

Bien sûr, avec la raréfaction de la main-d’oeuvre, les entreprises sont d’ores et déjà entrées dans la bataille des compétences. On le constate avec l’arrivée récente d’outils tels que la validation des acquis de l’expérience (VAE) et la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC). Mais sortir radicalement de la logique de statut, c’est d’abord fonder les critères d’embauche sur l’évaluation en milieu de travail et non plus sur ces filtres périmés que sont le diplôme et la litanie des expériences professionnelles, l’ensemble rassemblé sur un CV aux canons normalisés.

C’est aussi oublier les éternels entretiens annuels (sachant que, pour de nombreux salariés, ils sont effectivement oubliés depuis longtemps) pour les remplacer par une Évaluation de Suivi Annuel des Compétences (ESAC), qui permet une co-construction du parcours professionnel de chacun.

Mais, pour aller au bout de cette logique, le salaire, qui est la contrepartie de l’engagement du salarié en faveur de l’entreprise, doit répondre à ces évolutions, c’est-à-dire être lié aux compétences et non à l’ancienneté ou aux diplômes.

La reconnaissance et la rémunération des compétences sont, en effet, aujourd’hui, le meilleur moyen d’attirer les talents, de fidéliser les salariés et d’améliorer la performance globale de nos entreprises et leur compétitivité. C’est aussi par cette approche que peut se développer une saine émulation collective où tout le monde a sa place et son mot à dire, ce que la hiérarchie de statut limite. C’est enfin faire entrer un peu plus de démocratie en entreprise, puisque le salarié n’est plus reconnu pour ce qu’il est, son statut, ce qui relève des principes monarchiques, mais pour ce qu’il fait, sa contribution, ce qui caractérise la démocratie.

4. SUPPRIMER LE STATUT CADRE

Dans la continuité du point précédent, l’idée que des salariés aient un statut différent, auquel sont attachés un certain nombre d’avantages hérités de l’histoire, sans lien manifeste avec les compétences mobilisées, devient obsolète. Ce statut « cadre », s’il a pu avoir un sens, est désormais devenu contre-productif. Il contribue notamment à la survalorisation des diplômes.

Dans certaines entreprises ou selon certaines conventions collectives, par exemple, on est automatiquement engagé comme cadre si l’on est ingénieur. Cela signifie-t-il
pour autant que l’on soit capable d’animer et de manager une équipe ? A contrario, celui qui n’est pas ingénieur n’a quasi-aucune possibilité de devenir cadre et voit donc son évolution et son salaire arbitrairement limités, ce qui n’est guère motivant.

Le désir de « passer cadre » crée une inutile « lutte des places » et se charge de désastreuses rivalités émotionnelles nuisibles au bon climat social de l’entreprise.
Dans les faits, loin de l’idée initiale d’encadrement d’une équipe, nombre d’entreprises voient dans le statut cadre un « bâton de maréchal » pour salariés fidèles et services rendus à l’entreprise, ou une solution habile pour ne plus avoir à payer les heures supplémentaires grâce au forfait jours…

Assumer une responsabilité d’encadrement, c’est d’abord une fonction et un rôle quotidien qui demandent justement des compétences particulières : des qualités personnelles d’écoute, d’ouverture, de tolérance, de pédagogie et d’autorité, au sens noble du terme, que ne confère en rien le statut.

Le statut de cadre – spécificité française héritée du monde militaire – n’a plus sa raison d’être. Le supprimer constitue une première étape importante pour sortir de la hiérarchie de statut, abandonner l’organisation pyramidale et valoriser les Hommes et leurs compétences.


2 MESURES POUR FAVORISER LE DEVELOPPEMENT D’ENTREPRISES RESPONSABLES


5. RECONNAITRE L’ENTREPRISE DES HOMMES EN CREANT UN DROIT DE L’ENTREPRISE

Cette idée n’est pas nouvelle puisque nous la défendons depuis plus de 30 ans. Mais elle se heurte à de fortes résistances parce qu’elle relativise la légitimité du capital et des actionnaires. C’est d’ailleurs pourquoi, elle nous paraît encore plus indispensable à mettre aujourd’hui en oeuvre, dans un contexte où la financiarisation des entreprises est de plus en plus déconnectée de l’économie réelle.

La création légale d’une entreprise se résume en un dépôt d’argent séquestré dans un établissement bancaire. Par le dépôt de ce capital, les associés deviennent de facto actionnaires et propriétaires de ladite « société », et le droit leur reconnaît tous les pouvoirs.

Ainsi, juridiquement, l’entreprise en tant que communauté de femmes et d’hommes, n’existe pas. Elle n’est représentée que par les associés qui y ont investi. C’est leur prise de risque financier qui justifie la rémunération des actionnaires grâce aux bénéfices réalisés.

Les salariés éventuels, de même que les fournitures de bureau ou l’électricité, sont considérés comme des tiers à cette société et donc comme une charge, une dépense. Si bien que l’on peut affirmer que le droit et la comptabilité considèrent comme représentant l’entreprise ceux qui y sont généralement extérieurs et comme extérieurs à elle, ceux qui y travaillent.

Dans la création d’une entreprise, l’immatériel prend aujourd’hui le pas sur le matériel, les idées sont plus importantes que les outils. Il nous paraît plus que jamais nécessaire de reconnaître légalement cette primauté des Hommes sur celle de l’argent. Humaniser l’entreprise plutôt que la financiariser, c’est en effet casser la perception d’aliénation au travail des Français et le mépris qu’ils ressentent de la part de leurs employeurs, dont ils estiment trop souvent qu’ils les utilisent comme des pions au service de logiques financières.

En permettant aux salariés d’être légalement décisionnaires, ils peuvent changer leur relation au travail et révéler des qualités entrepreneuriales qui ne sont pas l’apanage des seuls actionnaires.

Ce renversement des valeurs est certainement difficile à mettre en oeuvre. Il engage notamment à un partage du pouvoir et des richesses créées pour lequel les parties prenantes ne sont pas obligatoirement formées. Il faudra faire preuve de pédagogie pour définir et appliquer les règles de répartition. Mais, en n’étant plus soumise au diktat d’une rentabilité sans cesse croissante qui la fait courir après le profit à court terme au détriment d’investissements à moyen et long termes, l’entreprise, reconnue comme collectivité humaine, ne pourra qu’y gagner. C’est tout l’enjeu de ce droit de l’entreprise.


6. INSTAURER DES « DELEGUES ENVIRONNEMENTAUX » DANS LES ENTREPRISES


Le développement durable est devenu à la fois un argument marketing et une démarche structurante (pour les entreprises comme pour la société dans son ensemble) pour produire et se développer, sans pénaliser les générations futures. Néanmoins, des trois piliers qui le composent (économique, social, environnemental), seul le dernier n’est pas représenté par des organisations reconnues et légitimes, pouvant s’exprimer au nom de l’ensemble des acteurs du secteur.

Cette différence, qui s’explique par l’ancienneté du débat sur les enjeux économiques et sociaux par rapport aux questions environnementales, doit aujourd’hui être gommée.

Il est, en effet, illusoire de penser que les délégués syndicaux en entreprise peuvent, au sein d’instances de régulation traitant de questions salariés / employeurs, représenter et défendre en toute indépendance l’intérêt de la planète, surtout si celui-ci a un impact sur l’emploi ou ses perspectives.

D’un autre côté, la défense de l’environnement est aujourd’hui largement préemptée par des associations et des organisations aux modes d’actions et de représentations parfois contestables. Et dans le même temps, l’État, poussé par la société civile, consommateurs et électeurs, accentue la pression sur les entreprises et développe une législation de plus en plus contraignante en matière environnementale.

Selon un principe qui nous est cher, il nous semble plus constructif de faire de cette contrainte une opportunité de développement et d’y répondre par la créativité, plutôt que de la subir de mauvais gré. Nous préférons l’autorégulation entre acteurs consentants à la réglementation à outrance.

Comme le « dialogue social », le « dialogue environnemental » doit donc se structurer avec des acteurs reconnus et légitimes sur le plan national comme au sein de l’entreprise. Depuis toujours favorables au dialogue, qui reste le meilleur moyen d’éviter les conflits et de progresser, nous avons été parmi les premiers à militer pour avoir des interlocuteurs syndicaux et des délégués du personnel au sein des entreprises. Il nous paraît maintenant nécessaire d’y introduire des « délégués environnementaux », élus par les salariés et éventuellement fédérés en réseaux nationaux.

Nous pensons même qu’à moyen terme, des représentants de la partie prenante « sociétale » - collectivités locales, associations de consommateurs… - auront droit de cité dans nos entreprises. Ce sera là l’aboutissement de notre idée « d’entreprise citoyenne ».

Mais il nous semble que ces enjeux sociétaux sont pour l’instant trop disparates et éclatés pour pouvoir être retranscrits fidèlement et intégrés aux discussions sur l’avenir de nos organisations. Aujourd’hui encore, on le sait, les nécessités écologiques elles-mêmes semblent trop souvent s’opposer aux réalités économiques et sociales. Et l’arbitrage est difficile. Or, le respect de l’environnement n’est pas l’ennemi de l’emploi ou du profit, au contraire. Si, sur le court terme, il est vécu comme un problème, il apparaît, à long terme comme la solution. Il s’agit donc, désormais, de trouver un juste équilibre entre les parties prenantes économiques, sociales et environnementales, pour que chacune des décisions prises par l’entreprise, dans le cadre de cette négociation tripartite, le soit dans le but d’améliorer sa performance globale et de répondre aux grands défis du futur.


1 MESURE POUR CONCILIER UTOPIE ET EQUITE

7. SUPPRIMER L’ARGENT LIQUIDE

Les billets en circulation ont un cycle de vie très limité et une utilisation de plus en plus souvent frauduleuse qui permet le développement d’économies souterraines, parallèles ou occultes. Ils alimentent, entre autres exemples, le trafic de stupéfiants, le travail au noir ou la corruption. En raison d’une traçabilité très faible, cet argent n’est pas soumis au contrôle qui se porte sur les autres types de transactions financières existantes. Mais surtout, il échappe aux prélèvements fiscaux et sociaux et constitue un manque à gagner considérable pour le budget de l’État et le financement de la protection sociale.

Ce sont les raisons pour lesquelles nous sommes partisans de la suppression de l’argent liquide. Sensibles au bouleversement des habitudes et aux traumatismes que cela pourra provoquer, particulièrement pour les populations fragiles ou les personnes âgées, nous préconisons dans un premier temps de ne garder que les pièces, en créant par ailleurs de nouvelles pièces de 10 € et 20 €. Celles-ci seraient suffisamment volumineuses pour éviter qu’une somme significative soit déplacée en toute impunité. De nouvelles technologies, déjà en cours d’expérimentation, pourront, dans un deuxième temps, nous permettre de nous passer de monnaie pour les petits achats de la vie de tous les jours.

La crainte, formulée par certains, d’une surveillance excessive, liée à la traçabilité de ces technologies, pourrait être aisément apaisée par l’utilisation de cartes prépayées et anonymes, comme c’est le cas pour la téléphonie mobile.

Nous sommes bien conscients que l’entreprise est difficile et peut même sembler utopique. Elle demande, par exemple, que tous les citoyens soient « bancarisés » et, surtout, elle n’a de sens, à terme, que si elle est menée au niveau mondial.

Mais les difficultés ne sont-elles pas à la mesure de l’enjeu ? Il s’agit d’abord d’une mesure radicale pour lutter contre le fléau de la drogue et de la corruption qui alimentent nombre de guerres et d’injustices sur la planète. Il s’agit ensuite d’élargir l’assiette des prélèvements à tous ceux qui les doivent, ce qui permet d’imaginer en contrepartie une réduction des déficits publics en même temps qu’une baisse des cotisations et taxes pour les entreprises comme pour les particuliers.

C’est une mesure choc, à la fois symbolique et efficace, et finalement en phase avec la réalité, puisqu’une immense majorité des flux financiers sont aujourd’hui dématérialisés.


A propos du Centre des Jeunes Dirigeants d’entreprise…

Le Centre des jeunes dirigeants d’entreprise, CJD, a été créé en 1938, pour réhabiliter la fonction patronale et mettre l’économie au service de l’Homme. C’est un réseau de 3 300 dirigeants de moins de 45 ans, déployé dans toute la France à travers 105 associations locales. Représentatif de l’économie française en termes de secteur d’activité, il accueille des entreprises de taille moyenne, régionales et créatrices d’emplois.

Son ambition est de promouvoir des idées nouvelles pour rendre l’entreprise à la fois plus compétitive et plus humaine, et d’accompagner dans sa mission tout jeune dirigeant soucieux d’améliorer sa performance et celle de son entreprise. Le CJD a été, au cours de son histoire, très souvent précurseur de changements économiques et sociaux : la formation en alternance, la section syndicale d’entreprise, l’entreprise citoyenne, la performance globale, le développement durable, la diversité…

Le CJD se bat aujourd’hui pour un libéralisme responsable. Il a publié, dans le cadre des élections présidentielles 2007, « 11 propositions pour un libéralisme responsable » et « Redéploiement des aides publiques aux entreprises : Passer à l’offensive pour mieux préparer l’avenir ».

Son action est au service de l’entreprise et indépendante de tout engagement
politique.

« 70 ans d’anticipation du CJD, 7 idées pour révolutionner la France » est le fruit du travail de réflexion conduit par les membres du Bureau National du CJD : Thomas Chaudron, Ghislaine Celdran, Anne-Lise Bouvier, Eric Cantarel Frédéric Chaput, Michel Meunier, Emmanuel Thaunier, Emmanuel Vasseneix, Pierre Berthou, Pierre Voillet, Jean-Luc Sauret, Emmanuelle Pérès avec l’apport de Sylvain Breuzard et Louise Guerre.

La rédaction finale a été réalisée par Bruno Tilliette.

Que tous ici soient vivement remerciés.

source: CJD

Aucun commentaire: