vendredi 25 janvier 2008

International Financial Reporting Standards

Les normes comptables, nouveau bouc émissaire ?

L'insuffisance de l'information sur les risques financiers est l'un des problèmes majeurs révélés par la crise actuelle. Nicolas Véron, économiste au sein du centre de réflexion européen Bruegel, rappelle l'importance des normes comptables.

La crise financière ne laisse personne indemne. Après d'autres, les normes comptables IFRS ont récemment été mises au banc des accusés par plusieurs commentateurs. Les IFRS reposeraient sur une idéologie dogmatique de la juste valeur, conduisant à des comptes sans rapport avec la réalité économique et accentuant la spéculation puis la panique sur les marchés. Sommes-nous à la veille d'une nouvelle remise en cause de l'information comptable, comme celle qui avait suivi les scandales Enron et Worldcom en 2002 ?

La tension entre normalisation comptable et stabilité financière ne date pas d'hier. En temps de crise, les banques cherchent à lisser l'impact des mauvaises nouvelles, et leurs autorités de surveillance voient des avantages à ce que le marché ne s'affole pas trop. A l'inverse, les investisseurs veulent une information complète pour pouvoir réagir très vite, même si les conséquences sont brutales.

Lors de l'adoption de la norme IAS 39 sur les instruments financiers, des critiques très dures avaient été formulées par le Comité de Bâle, qui prépare les normes prudentielles pour les banques. Plus récemment, les Etats-Unis ont décidé, via la Securities and Exchange Commission, d'autoriser les banques à déconsolider des produits de titrisation qu'une lecture stricte des normes américaines imposerait sans doute de réintégrer dans le bilan.

Mais stabilité et transparence ne pèsent pas du même poids dans la normalisation comptable: celle-ci répond avant tout aux exigences des investisseurs, qui sont les principaux utilisateurs de l'information financière. La priorité de principe donnée à ces utilisateurs est proclamée sans ambiguïté dans les IFRS, et a constitué un facteur clé de leur succès mondial.

De ce point de vue, soumettre les normes à un impératif de stabilité risquerait de conduire à une information financière de moindre qualité. D'autant que l'arbitrage entre transparence et stabilité n'a rien d'univoque. A court terme, la révélation de difficultés bancaires peut accélérer la perte de confiance et accentuer un risque systémique. Mais, à moyen terme, l'obligation de transparence renforce la discipline interne et le contrôle des risques, et rassure le marché. Les IFRS obligent les banques à publier beaucoup plus d'informations sur leurs instruments dérivés. Sans cela, le marché serait encore plus méfiant qu'il ne l'est aujourd'hui.

En novembre 2006, un rapport du comité de supervision bancaire de la Banque centrale européenne concluait qu'une application cohérente et rigoureuse des IFRS pouvait renforcer la stabilité du système financier grâce à cet effet disciplinant. A l'inverse, lorsque les banques ont une marge d'appréciation significative dans la comptabilisation de leurs risques, le retard dans la reconnaissance des pertes peut être désastreux: témoins l'expérience japonaise des années 1990 ou le Crédit Lyonnais en 1992-1993.

Pierre Cailleteau, économiste en chef de l'agence de notation Moody's, conclut dans une note récente (1) que l'approche "market-to-market" privilégiée par les IFRS est, comme la démocratie selon Churchill, "le pire système à l'exception de tous les autres".

Contrairement à la caricature qu'en font certains détracteurs, les normes IFRS sont très loin d'imposer la "full fair value" et modèrent leur exigence de transparence par une astuce de présentation: les fluctuations de valeur des instruments financiers considérés comme disponibles à la vente, qui pèsent lourd dans le bilan des sociétés financières, ont un impact sur les capitaux propres mais pas sur le résultat par action.

Ce compromis est loin d'être idéal mais présente l'avantage du pragmatisme. De même pour les règles de consolidation. Certaines banques semblent avoir abusé des structures hors bilan telles que conduits et SIVs, mais il ne serait pas raisonnable de tout consolider. L'idée d'introduire en IFRS un "bilan parallèle" reprenant tous les engagements hors bilan est une piste intéressante pour résoudre cette quadrature du cercle.

Ces derniers mois, les marchés ont surtout souffert d'un déficit d'information, notamment sur les produits de titrisations complexes sur lesquels la notation de crédit a atteint ses limites. Il s'agit avant tout d'informations de nature probabiliste, mal canalisée par des normes comptables dont l'objectif principal demeure de fournir des données sur la valeur avec une marge d'erreur réduite. L'insuffisance de l'information sur les risques financiers est l'un des problèmes majeurs révélés par la crise actuelle. Mais la normalisation comptable n'en est pour l'essentiel ni le coupable, ni la solution.

(1) "Archaeology of the Crisis", janvier 2008 ; disponible sur www.moodys.com

Nicolas Véron, économiste au sein du centre de réflexion européen Bruegel, associé de la société de conseil Ecif

source : La Tribune.fr


International Financial Reporting Standards
Les nouvelles normes comptables internationales IAS/IFRS (International Financial Reporting Standards ou Normes Internationales d'Information Financière) sont des règles comptables qui visent à faire converger les normes comptables internationales vers un modèle unique pour favoriser les comparaisons économiques entre entreprises au niveau mondial.

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