samedi 27 décembre 2008

Opinions ...

Ces mythes qui nous gouvernent

Julien PIERET

Mis en ligne le 22/12/2008

Leterme est sacrifié au nom du sacro-saint principe dit de la séparation des pouvoirs. Un principe à nuancer, n’en déplaise à quelques constitutionnalistes racés.

Ainsi, le gouvernement Leterme 1er a vécu, sacrifié au nom du sacro-saint principe dit de la séparation des pouvoirs. En vertu de ce dernier, il semblait inadmissible, comme l’ont notamment rappelé quelques constitutionnalistes racés, que l’entourage du Premier ministre ait pu tenter d’influencer la justice dans le cadre du litige lié au rachat de la banque Fortis. En réalité, cette position de principe est largement critiquable et procède d’une incompréhension aveugle dudit principe. En effet, trois raisons peuvent considérablement en nuancer tant le contenu que la portée.

Premièrement, la séparation des pouvoirs n’a jamais existé et n’existera jamais. Dès le départ, en ce compris même dans l’œuvre séminale de Montesquieu, la séparation des pouvoirs n’a jamais été conçue comme figeant des frontières étanches entre les différents titulaires de l’autorité publique. Davantage qu’une stricte séparation, ce principe vise, plus finement, à multiplier les lieux de rencontres entre les pouvoirs de telle sorte que, comme l’exigeait Montesquieu,"par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir". Autrement dit, l’objectif de ce principe est d’interconnecter les pouvoirs. Chacun peut, dès lors, contrôler l’activité des autres. Les exemples d’institutions qui permettent ce type de contrôle mutuel sont variés et bien connus. Citons, en guise d’exemple, les séances de questions / réponses organisées aux parlements, la création d’une commission d’enquête parlementaire ou encore la possibilité pour les juges d’engager la responsabilité des pouvoirs publics.

Deuxièmement, ce principe est absent de notre Constitution. Certes, il pourrait être déduit de l’économie générale de notre charte démocratique. Certes, mais tout juriste sait à quel point il faut se méfier d’une lecture entre les lignes des textes normatifs et de l’inférence de concepts à partir du silence juridique. En outre, traditionnellement, la séparation des pouvoirs vise les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Or, précisément, la Constitution ne s’arrête pas à cette trinité. Ainsi s’abstient-elle d’énumérer les pouvoirs qu’il s’agirait de distinguer. A l’inverse, la Constitution multiplie les lieux de décisions: le Parlement fédéral, le gouvernement fédéral, les entités fédérées, la Cour constitutionnelle, le pouvoir judiciaire, le Conseil supérieur de la Justice, le Conseil d’Etat et enfin les provinces et les communes. L’émergence récente et l’importance croissante d’organes hybrides, situés aux intersections des différentes fonctions, comme la Cour constitutionnelle ou le Conseil d’Etat, viennent très largement nuancer l’option d’une séparation stricte entre les trois pouvoirs traditionnels. Pire, que dire des pouvoirs soigneusement ignorés par le texte constitutionnel? Ainsi, dans notre pays, personne ne méconnaît le rôle déterminant des partis politiques ou des acteurs économiques et sociaux. S’inquiète-t-on avec la même vigueur de la participation de plusieurs responsables politiques de premier plan à différents conseils d’administration d’institutions privées au pouvoir colossal?

Troisièmement, un principe reste-t-il un principe si, en pratique, on constate que son application est à géométrie variable, si ses prétendues violations font l’objet tantôt d’un silence poli, tantôt de cris de vierges effarouchées? Ainsi, en l’espèce, plusieurs observateurs ont stigmatisé la prétendue volonté de modifier la composition de la chambre appelée à juger, en appel, la construction élaborée autour du dossier Fortis. Où était donc ces parangons de la vertu démocratique quand, il y a quelques mois, plusieurs militants du DHKP-C furent jugés par un tribunal spécialement composé sur injonction du procureur fédéral? Dans ce cas, la Cour de cassation a pleinement joué son rôle: elle a cassé le jugement litigieux. Car la donne semble simple: soit, la tentative de modifier la composition d’un tribunal a vicié la procédure suivie devant cette juridiction et dans ce cas, il existe suffisamment de recours pour mettre fin à cette illégalité; soit, ces essais n’ont pu aboutir et aucune difficulté, en termes de validité procédurale, ne se pose. Bien entendu, il n’est ni délicat, ni glorieux de tenter coûte que coûte d’influencer le cours de la justice. Mais dans une démocratie incestueuse telle que la Belgique, où plusieurs membres des cabinets ministériels sont débauchés parmi la magistrature, où certains ténors du barreau partagent les nuits des ministres, où le détachement de fonctionnaires est plus qu’une pratique courante, un sport national, bref, dans notre si petit pays, faut-il s’étonner que les jeux d’influence, les copinages complaisants, voire les donnés pour un rendu, charpentent la vie politique? Face à un tel constat, on peut effectivement, telle une autruche, plonger notre tête dans le sable et répéter compulsivement l’importance de principes désincarnés et contre factuels. On peut aussi parier sur la transparence décisionnelle et tenter de dévoiler les logiques sous jacentes qui permettent d’expliquer pleinement comment sont dirigées les affaires de la Nation. Avec la maladresse qui le caractérise, Yves Leterme n’a pas fait autre chose en distribuant sa missive aux parlementaires, tel l’enfant pris sur le vif la main dans le sac de bonbons. L’ironie de la situation pourrait faire sourire si elle ne débouchait pas sur une crise institutionnelle dramatique en ces temps incertains: c’est en ayant le courage politique de rendre public ce que tous ces prédécesseurs ont toujours occulté qu’Yves Leterme a scié la branche, déjà chétive, sur laquelle il était assis.


sources :

 La Libre

 Le Soir


Julien Pieret
Julien.Pieret@ulb.ac.be

Licencié en droit (ULB) 
DES en droit international public (ULB) 
DEA en théorie du droit (FUSL/KUB) 
Assistant au Centre de droit public de l’Université Libre de Bruxelles 
Administrateur de la Ligue des droits de l’Homme – Belgique francophone 
Président de la Commission Justice de la Ligue des droits de l’Homme – 
Belgique francophone



DE LA SEPARATION DES POUVOIRS

 D'abord, il est surprenant de constater qu'une même analyse soit publiée le même jour -lundi 22 décembre- dans Le Soir, rubrique "cartes blanches", et dans La Libre, rubrique "débats-opinion". Cette analyse remarquable est signée par Julien Pieret, Assistant au Centre de droit public de l'ULB, sous le titre dans la LLB: "Ces mythes qui nous gouvernent". Il y est question de la séparation des pouvoirs.

 Ensuite, dans La Libre du même jour, l'éditorial de Francis Van de Woestyne étonne dans la mesure où, selon lui, il est "évident" qu' "il y a eu, dans le traitement du dossier Fortis, des comportements en contradiction flagrante avec un des principes de base de notre démocratie: la séparation des pouvoirs."

 Il est intéressant de rapprocher ces deux analyses.

 C'est, en effet sous le couperet de ce principe "immuable" que Leterme a été immolé.

 A juste titre, Pieret souligne que la séparation des pouvoirs n'existe pas et qu'elle n'a jamais existé. Ce principe non écrit n'existe pas dans le texte de la Constitution. C'est un concept évoqué par Montesquieu, et que l'on retrouve dans la Common law britannique, afin de permettre aux membres de l'exécutif, du législatif et du judiciaire de ne pas se marcher sur les pieds et d'exercer mutuellement un contrôle de l'un sur l'autre. C'est la formule classique du langage courant: " le pouvoir arrête le pouvoir" ou encore "la liberté de l'un s'arrête là où commence la liberté de l'autre". Pieret fait remarquer que la Constitution s'abstient d'énumérer les pouvoirs qu'il convient de distinguer. Or les centres de décisions sont multiples dans la gestion de l'Etat. Quelles sont les exactes limites de la Cour constitutionnelle ou du Conseil d'Etat?

 Des hommes politiques sont présents dans certains conseils d'administration de groupes privés. Confusion des rôles? Quid si Jean-Luc Dehaene devient Premier ministre en quittant la présidence de Dexia? Et la responsabilité des syndicats, et celle des partis politiques? Tous ces "croisements" sont confus. Ce qui fait dire à Pieret que la Belgique est "une démocratie incestueuse". "Plusieurs membres des cabinets ministériels sont débauchés parmi la magistrature, où certains ténors du barreau partagent les nuits des ministres, où le détachement de fonctionnaires est plus qu'une pratique courante, un sport national...". Et je tiens à ajouter que plusieurs membres de cabinet sont également débauchés parmi des journalistes audiovisuels qui bénéficient d'un congé sans solde le temps d'une législature pour ensuite réintégrer le bercail de la RFBF, par exemple, grande donneuse en la matière. Comment dans le cadre de cet inceste ne pas souligner des collaborations éditoriales entre un ténor du Barreau, époux d'une ministre, en fonction, engagée politiquement, et un journaliste ertébien présentateur du journal télévisé. Est-ce normal? Le journaliste peut-il encore être crédible lorsqu'il aborde la potitique menée par la dite ministre? de Brigode, puisque c'est de lui qu'il s'agit, est récidiviste. Un ouvrage politique après une émission de politique-fiction-spectacle, le trop fameux "bye-bye Belgium". Cela fait  deux sérieux coups de couteaux dans la crédibilité.  La RTBF n'a-t-elle pas besoin de crédibilité?

 Dans cet imbroglio, le citoyen méprisé. La crédibilité politique et celle du journaliste sont écornées.

 J'en reviens à l'éditorial de Francis Van de Woestyne dont la compétence n'est pas en cause. Son papier apparaît, néanmoins, contaminé par une condamnation rapide par un premier président de la Cour de cassation. Celui-ci se confie dans une simple missive accompagnée d'une note. Il ne s'agit pas d'un arrêt". Il intervient sur base "d'indices", parce qu' incapable d'apporter une preuve. Désolant pour un magistrat de ce niveau de "collaborer" à la chute d'un gouvernement sur base de rumeurs.

 Van de Woestyne a raison de vouloir échapper à l'hystérie collective. Mais inconsciemment son papier y participe lorqu'il emploie les mots: "C'est évident, il y a eu dans le traitement judiciaire du dossier Fortis...". Le mot "évident" a une portée très affirmative. Sur quelle base? Des mots.

 Cela dit, je rejoins l'éditorialiste dans la nécessité de redonner "confiance" aux Belges. Seulement, la confiance dans l'Etat passe par les médias. Ils sont les intermédiaires incontournables. Mais les pièges sont savamment disposés et cachés. Ils sont politiquement aussi dangereux que les "mines personnelles". Leterme vient de "sauter" par maladresse dans un terrain miné.

 C'est à la presse (aux médias) de tenir le rôle de "détecteur". C'est dans une mission semblable qu'elle est "acteur" de la citoyenneté.

source : Pouvoir & Medias @ La Libre Blogs



Un habitat micropolitique

En janvier 2001, des illégaux, des sans-papiers demandant régularisation, ont investi le bâtiment déserté de l'ambassade de Somalie à Bruxelles pour répondre à leur besoin urgent de logement.

Ce lieu vidé par la guerre civile, propriété d'un Etat disparu, deviendra rapidement l'Ambassade Universelle.[1] Elle est universelle car elle réunit des individus conscients de la discrimination produite par le lien à une nationalité. Ce bâtiment est depuis lors habité exclusivement par des sans-papiers. L'Ambassade Universelle vise l'entraide et ainsi l'autonomie. Elle aide ses habitants dans leurs différentes démarches administratives, d'ordre juridique ou social. Elle est un lieu ouvert où des personnes, illégales sur leur lieu de résidence, sans recours possible aux autorités de leur pays d'origine, recoupent les informations, rencontrent d'autres communautés, prennent la mesure de la lutte. Elle est devenue l'ambassade de ceux qui n'ont plus d'ambassade.

Elle constitue un lieu unique à Bruxelles où des sans-papiers peuvent partager leur expérience, s'entraider et développer une parole publique, où toutes les rencontre sont possibles, où différentes communautés se mêlent, où une vie sociale apparaît, où le multiple peut s'exprimer. Aujourd'hui, une trentaine d'habitants, hommes, femmes et enfants, y résident, originaires d'Algérie, du Maroc, du Rwanda, d'Equateur, d'Albanie, d'Iran, d'Ukraine.

L'action se constitue dans l'articulation entre la misère de la clandestinité et une fiction politique. Ce qui peut y naître, c'est un nouveau langage. La langue d'un peuple à venir.

La fonction d'accueil est fondamentale. Elle permet d'appréhender l'évolution de la situation des migrants, les processus qui conduisent à la clandestinité et les obstacles à la régularisation. Il s'agit du cœur de l'action, De là, en commun avec les habitants, se dresse une expertise de la survie, une expertise légale et politique, une sensibilité quotidienne. L'ensemble des activités menées vise à outiller les sans-papiers dans la lutte qu'ils ont à mener pour la reconnaissance de leurs droits, leur redonner confiance dans leurs moyens. Un au-delà de la survie se cristallise lentement en un lieu qui est plus qu'une habitation d'urgence. L'habitant est le sujet politique, il organise sa vie.

Le travail social s'enferme dans un rapport individuel, de l'assistant à l'assisté. Cette relation est désepérément incapable d'aider les victimes de la clandestinité, par définition, sans droits certains. Le degré d'humanité des politiques adressées aux illégaux est variable. D'un côté ils ont accès à certains droits et à certaines conditions, comme celui de recevoir des soins médicaux, d'inscrire leurs enfants à l'école, droits à l'exercice précaire. Mais par ailleurs ils peuvent être victimes d'une rafle dans le métro et conduits en centre fermé. Le sans-papiers finit par se débattre dans cet espace légal étriqué. L'arbitraire et l'absence de vision d'ensemble contribue toujours à l'isolement des migrants, aux développement de rumeurs, à la reproduction d'actes de soumissions à des procédures sans avenir. La dimension politique disparaît. On en viendrait presque à demander un statut minimum d'être humain…

La dimension politique, il ne suffit pas de la clamer. Les sans-papiers ne sont pas des corps revendicatifs. Or la mobilisation se conçoit trop souvent en ces termes. La clandestinité dissout tout projet de vie. Il est facile de leur reprocher un corporatisme de la survie. Il est temps de sortir du caractère unidimensionnel de la lutte.

 

Un quotidien borné

L'Ambassade Universelle est une étoile.

La clandestinité est un périple absurde. Au bout de la perte d'identité. Un habitant issu de ce pays disparu, la Somalie, erre en ville avec un masque de Zorro. Au centre fermé, il aurait tenu des propos incohérents... Une grand-mère migratrice a sonné à la porte du voisin, l'ambassade d'Arabie Saoudite, persuadée que sa fille habitait là. 7 années qu'elle fuit le long d'un voyage où la réalité se dissout… Elle a 77 ans. La clandestinité devient un état de suspension dans un monde parallèle, une évaporation de sa substance.

L'Ambassade Universelle est un concentré de faiblesse. Lorsqu'une personne s'y présente pour obtenir un logement, c'est que sa précarité est insoutenable.

La peur est l'ombre du clandestin. Peur de tout. De prendre le bus, de travailler, de bouger. Il faut faire attention, ne pas se faire remarquer, ne pas traîner dans les centres commerciaux. Si l'on n'a rien à acheter, il ne faut pas traîner là… Tout acte a sa part de risque.

Le système judiciaire vous englue. L'espoir est infime et chacun s'installe dans l'attente. Encore et toujours attendre, tout se focalise sur cette attente. S'épuiser à épuiser la procédure, des mois, des années. L'on se conforte en se disant que c'est toujours mieux que de risquer l'expulsion à coup sûr. Dédale obscène.

Avoir 20 ans, 30 ans, être sans lendemain, sans projet possible. La migration clandestine perpétue l'amère expérience d'une jeunesse perdue. Fuir une société plombée, fuir le chômage, la migration devient en elle-même le projet de vie, l'espoir d'un possible. Ce rêve se replie sur lui-même. Le projet se déréalise. Il n'y a plus de désir à exprimer. L'hypothétique jour de la régularisation se vide de sens, ne peut être investi. L'insoluble est la constante.

Ce qui est à l'œuvre, c'est la perte de soi. Devenir un animal traqué, exploité, un criminel et une victime. Ne plus lire, ne plus écrire, gagner 3 euros de l'heure, moins si l'on est une femme.

Constituer l'Ambassade Universelle, c'est retrouver une espérance concrète. C'est de cette articulation qu'il est question. Répondre à cette réalité bornée et dériver au-delà des nations et leurs mornes territoires. Pouvoir prendre confiance en ses moyens, désirer, se projeter.

L'Ambassade Universelle est une facilité. En premier lieu, ce fut un logement, qu'il fallut réhabiliter : nettoyer de fond en combles, amener l'eau et l'électricité, aménager une cuisine, réparer les sanitaires, refaire une toiture, etcetera.

Cependant le lieu, ouvert à tous les vents, ne peut être qu'un lieu de crise. Le logement seul n'est pas viable si l'on ne prend pas la mesure de l'ensemble des problèmes que connaissent ses habitants. Nous n'avons pas d'autorité, nous ne pouvons déléguer. Chaque difficulté réclame que nous trouvions les agencements pour la surmonter. Bien souvent, en dehors de la médecine, en dehors du droit, par la réalisation du lieu de vie. Une mosaïque hétérogène d'impliqués se façonne ainsi lentement, basée sur le respect et l'échange de savoir. Dans le même temps que le lieu de vie s'enrichit, il brise cet isolement social que la répression organise si efficacement. Il s'autonomise.

Il est possible de lire ensemble " Ailleurs " d'Henri Michaux, l'histoire des Arpèdres : " Les Arpèdres sont les hommes les plus intransigeants qui soient, obsédés de droiture, de droits et plus encore de devoirs. De traditions respectables, naturellement. Le tout sans horizon. " L'expression se libère, sort du stigmate, l'on peut se défouler, faire la fête, et faire la fête, cela signifie aussi manger. Il est possible d'investir la politique et d'en faire une vertu désirante, de retrouver une place dans le monde où les opinions sont signifiantes et les actions sont efficaces.

 

Des migrants autonomes

Migrants sans protocole, les sans-papiers sont mûs par l'évidence du droit d'avoir des droits. Ils ne sont ni victimes, ni criminels. L'autonomie de leurs mouvements, appelle un nouveau rapport du sujet de droit au sujet productif. Que peut encore signifier ce lien historique entre le citoyen et le travailleur alors que des étrangers sont ici en esclavage… Aujourd'hui, surnuméraires du biopouvoir, leur être au monde transnational réinvente des diasporas sans ruptures originelles et constitue des réseaux de solidarités et d'exploitations multiples où se côtoient sur plusieurs générations, origine, installation et transit. Le territoire devient le local relié au voyage.

Il y a là l'immédiateté d'un sujet de droit, transnational, car transcendant les petits arrangements entre nations. Un autre intérêt que le changement de nationalité ou la bi-nationalité (forcément toujours suspecte), le désir d'autre chose : une autonomie des constitutions personnelles et collectives et les voies de solidarités nouvelles, déconnectées des territoires et de la frontière.

L'Europe reste aveugle à ce fondement majeur du monde à venir. Arc-boutés sur une conception finissante de la nationalité, les différents pays européens ont l'illusion d'être en mesure de contrôler et maîtriser des migrations dont les motivations reposent dans le seul chef des migrants. C'est la mise en œuvre d'un nouveau paysage de guerre. L'on croyait pourtant s'être débarrassé de la négativité du mur.

En acceptant que des personnes vivent une crise existentielle par défaut de papiers, les Etats nous rappelent ce qu'il faut entendre par l'identité. Leur existence entre les Etats est une perte d'identité, jusqu'à la perte du nom, mais elle peut également devenir un lieu d'universel recomposé à la croisée des chemins. L'Ambassade Universelle tente de s'avancer dans ce passage: de l'identité effacée à l'universel à constituer. Dépasser l'affirmation par la négation d'être sans papier et semer le désir constituant. Quitter la médiation obligatoire de l'Etat pour évoquer une prise directe sur un droit transnational. Comme toute ambassade, c'est une représentation, mais sans Etat figuré. Ce qui est représenté est à venir. Ses habitants, les sans-papiers, nouveaux parias du monde libre, contestent en acte une citoyenneté consanguine à la nation. En s'immiscant dans les contours des représentations de l'Etat, l'ambassade abolit localement la limite de la frontière. Ses habitants sont les déjà là d'un local présent au monde.


[1] Cf. aussi le site web de l'Ambassade Universelle: http://www.universal-embassy.be/


Opération policière belge dénoncée au Québec
by posted by protesta Monday January 06, 2003 at 07:04 PM

Voici le texte de la lettre ouverte au Premier ministre belge que des gens du Québec lui ont envoyée pour dénoncer la violente intrusion policière du 30 novembre dernier à l'ambassade universelle, située à Bruxelles, où logent des sans papier (site web : www.universal-embassy.be). Adresse pour rejoindre les signataires : solique2003@yahoo.ca

Lettre ouverte au Premier ministre belge

Montréal, le 28 décembre 2002.

Objet: dénonciation de l'opération policière belge à l'ambassade universelle

Monsieur Guy Verhofstadt, Premier ministre de Belgique,

A titre d'individus résidant au Québec, qui entretient d'étroites relations de coopération culturelle, politique et économique avec la Belgique, nous désirons vous faire connaître nos préoccupations quant à un événement survenu récemment en Belgique qui nous a fortement interpellé-es comme citoyens et citoyennes du monde.


Nous avons été informé-es de la descente de la police belge survenue à l'ambassade universelle, sur l'avenue Franklin Roosevelt à Bruxelles, le samedi 30 novembre à sept heures du matin. L'ambassade universelle, située à l'emplacement de l'ancienne ambassade de l'État de Somalie, et où logent des sans papiers en démarche de régularisation, constitue un symbole politique important qui dépasse les frontières de la Belgique. L'ambassade universelle représente la valorisation et la défense de principes universels de justice sociale que sont les droits à la libre circulation et à la libre installation des êtres humains de cette planète, traversée par des flux migratoires croissants.


Nous sommes consterné-es par la violence de cette intrusion policière et des agissements de ses protagonistes, armés de revolvers et de fusils mitrailleurs. Une grande partie des résidants et des résidantes de l'ambassade universelle a alors été arrêtée, menottée, forcée d'avancer à genoux et emmenée au poste de police. Certain-es se sont fait braquer un revolver à bout portant. Les personnes ont été relâchées au cours de la journée et de la soirée à l'exception de trois personnes dont deux - Albertino Rakipi et Toufik Zaïdi – se trouvent encore dans les centres pénitenciers de Saint-Gilles et Forest à notre connaissance. Nous avons aussi été informé-es qu'un autre résidant de l'ambassade universelle, Rachid Cherki Belghiti, arrêté lors d'un contrôle de routine le 2 octobre, est toujours en détention au centre 127bis et qu'il a déjà subi trois tentatives d'expulsion.

Nous considérons que ce traitement inhumain, exercé par des officiers de justice belge envers les résidants et les résidantes de l'ambassade universelle, n'est pas digne d'un État de droit démocratique et nous joignons notre voix à celle de multiples organisations de Belgique et d'ailleurs pour le dénoncer. Nous considérons qu'il est légitime pour nous de dénoncer publiquement ces exactions même si nous ne sommes pas des citoyens et des citoyennes belges car, d'une part, il est question de violations de droits fondamentaux et universels et, d'autre part, nous dénonçons ce même type de traitement injuste lorsqu'il survient au Canada, comme par exemple dans le cas de la menace de déportation envers des sans-statut d'origine algérienne par le ministère canadien de l'Immigration. Nous nous sentons d'autant plus interpellé-es par l'attitude des autorités belges envers l'ambassade universelle que les relations Québec-Belgique se sont intensifiées depuis quelques années, no n seulement parce que la langue française est une langue officielle aux deux endroits mais aussi parce que le Québec et la Belgique constituent des points d'entrée stratégiques pour le commerce international dans le cadre des processus de libéralisation continentaux actuels.

Par exemple, dans le cadre de sa tournée européenne, en juillet 2001, le premier ministre du Québec Bernard Landry a annoncé que la multinationale belge Technospace Aero, venant s'implanter au Québec, bénéficierait des programmes d'aide financière de l'organisme public Investissement Québec, soit de crédits d'impôt, congés fiscaux ou exemptions d'impôt. La multinationale Technospace Aero fabrique des moteurs dans les secteurs de l'aéroautique et de l'aérospatiale et a une part active dans la fabrication de moteurs militaires. Ce genre de partenariat n'est apparemment pas déconnecté des processus de militarisation qui constituent l'une des causes des migrations vers les pays du Nord...

Nous espérons vivement que des mesures seront prises par les autorités belges afin de rendre justice aux personnes résidant à l'ambassade universelle, dont nous appuyons la plainte juridique concernant ces événements, et que la Belgique ne ternira pas plus sa réputation au plan national et international. Nous tenons à rendre notre dénonciation publique en la faisant connaître aux parlementaires, aux représentations gouvernementales et aux médias du Québec et de la Belgique, de même qu'au ministre belge de l'Intérieur, monsieur Antoine Duquesne.

Nous vous prions de recevoir, monsieur le Premier ministre, l'expression de nos salutations.

Signataires (pour les rejoindre : solique2003@yahoo.ca)

Louise Boivin, Chercheure indépendante; Ingrid Francoeur, Organisatrice communautaire; Isabelle Gauthier, Conductrice d'autobus scolaire; Hector Poblete, Intervenant communautaire; Eve Lamont, Cinéaste; Sylvie Paquerot, Conseillère syndicale; Sylvie Gagnon, Travailleuse communautaire, Louise Dionne, Sociologue; Kadija Benabdallah, Chercheure en biologie cellulaire; Lauraine Gingras, Travailleuse communautaire; Christian Brouillard, Préposé aux bénéficiaires; Marc-André Houle, Agent de recherche; Mario Tardif, Boulanger artisan; Karina Chagnon, Préposée à l'information aux étudiant-es; Isabeau Bergeron, Étudiant en génie informatique; Andrea Schmidt, Editrice de site web et militante; Sarita Ahooja, Militante; Barbara Michaud, Enseignante en philosophie; Marc Drouin, Étudiant; Gilbert Higins, Intervenant urbain; Marc Simard, Sociologue; Nathalie Gauthier, Professeure de violon.

source : indymedia.be

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