1200 millionnaires et… et… et…
D’après le Journal du Net qui cite différentes études (sans donner leurs références, ce qui n’est pas cool:)), Google aurait, grâce aux stock-options, rendu millionnaires près de 1.200 de ses employés. 500 le seraient en dizaines de millions, 80, surtout parmi les premiers embauchés, en centaines de millions de dollars. Il est vrai qu’un cours de l’action qui passe les 725 $ augmente singulièrement la valeur du capital de chacun.
Tout cela est évidemment très excitant et contribue à la bonne réputation de l’entreprise auprès des informaticiens. Toujours d’après le journal du net, Google recevrait 1,300 000 candidatures chaque année. Le récit de ces carrières fulgurantes y est sans doute pour quelque chose. De manière plus pittoresque, mais tout aussi significative, Fortune dit que travailler chez Google aide à se marier en Inde : “landing a job at Google is said to increase marriage prospects in a culture where title and income are critical to the practice of arranged matchmaking.” (Google goes to India, Fortune, 5 novembre 2007). Le même journal explique que Google paie ses ingénieurs indiens trois fois mieux que les sociétés services locales. Tout cela contribue certainement à attirer les talents.
On pourrait être tenté d’en conclure que l’argent (la carotte) est ce qui motive les salariés de l’entreprise. Ce serait une erreur. Les premiers collaborateurs de Google, ceux qui sont aujourd’hui si riches, ne savaient pas, lorsqu’ils ont commencé, il y a moins de dix ans, leur aventure qu’elle les enrichirait au delà de tout espoir. Et pourtant ils ont travaillé d’arrache-pied. Ils l’ont fait pour asseoir leur réputation auprès de collègues qu’ils respectaient et admiraient, comme je l’explique longuement dans le livre, mais ils l’ont fait aussi parce qu’ils vivaient, et continuent de vivre dans une culture du travail sans fin.
Une culture très particulière que l’on ne trouve vraiment que chez les informaticiens et qui tient à la fascination qu’exercent sur des jeunes gens les programmes informatiques, avec ce que leur écriture comporte de problèmes à résoudre. Il y a quelque chose du Rubik cube ou de ces énigmes dont on n’arrive pas à se défaire tant qu’on ne les a pas résolues dans l’écriture du moindre programme. Au point que certains informaticiens qui ont observé ce phénomène se sont inquiétés. Je pense à Joseph Weizembaum qui a écrit des phrases très dures dans Puissance de l’ordinateur et raison de l’homme (un excellent livre publié en 1981 aux Editions d’informatique, aujourd’hui à peu près introuvable et qui gagnerait à être mis en lecture libre sur le web à défaut d'être réédité).
Une culture qui mène à des comportements dont on a parfois un écho dans les conversations sur les blogs, comme dans celle-ci qui porte sur ce que son auteur, Greg Linden, appelle “l’amazon cult”, référence à cette culture du travail intensif dans l’entreprise à ses débuts. Son billet amusant (il raconte comment il a fabriqué des t-shirts pour se moquer de cette culture) a suscité des souvenirs du même ordre chez plusieurs de ses lecteurs. Quelques extraits :
- "When I was at AltaVista working like a mad man we had an inside joke. At the company parties we would introduce our wives as members of the AltaVista Widows Club. Of course we had a good number of women at AltaVista as well so we had to change the name to AltaVista Orphans." (Don Dodge)
- "I worked at JD Edwards (before they were "known" as an ERP company) and it was the same way. People worked all hours of the day (and night), we had dinner together, drank together, met each other on weekends. It wasn't that is was necessarily "encouraged" - it just seemed you more in common with these people." (Arnie McKinnis).
Dans le même esprit, le New-York Times raconte, dans un portrait de Andy Rubin, l’homme à la tête du programme Gphone chez Google comment, lorsqu’il était chez General Magic (une entreprise issue d’Apple) dans les années 90, il s’était organisé pour pouvoir dormir au bureau. “He says he thrived in General Magic’s total-immersion engineering culture. He and several other engineers built loft beds above their cubicles so they could essentially live at the office and work around the clock developing Magic Cap, a groundbreaking operating system and interface for hand-helds and smart cellphones.”
Tout cela peut prêter à sourire, mais suggère également que ces entreprises ont développé (probablement de manière spontanée et sans l’avoir vraiment désiré) des pratiques de manipulation mentale qui ne sont pas sans rappeler celles que l’on rencontre dans les sectes. Il n’existe qu’un monde, qu’un seul, celui de l’entreprise (ou, plutôt, de l’équipe) dans laquelle on travaille.
source : Cluster21
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