Hermann a appris à regarder avant de savoir dessiner, en observant les fesses des chevaux balancer sur le chemin de la ferme, dans les Ardennes belges. Doué d’un sens prodigieux de l’observation, ce maître réaliste a signé Bernard Prince, Comanche et Jugurtha dans le journal Tintin. Il se tourne ensuite vers des récits plus adultes aux héros ambigus et aux femmes farouches avec Jérémiah ou les Tours de Bois-Maury. En marge de ces séries grand public, il prend des risques graphiques et narratifs en osant des « one-shot » au décor plus politique : néocolonialisme diplomatique dans Missié Vandisandi, guerre ethnique avec Sarajevo- Tango. Son nouvel album, Afrika, s’aventure sur le terrain miné des trafics d’animaux, des catastrophes écologiques et de la corruption en Afrique. Un scénario sauvage, d’une actualité brutale.
Comment faites-vous pour aussi bien dessiner l’Afrique sans y avoir jamais mis le pied ? Il y a des choses qu’on a en soi, que l’on ressent profondément. J’avais des piles de documentation et de DVD sur la faune et les paysages africains. Mais je n’ai rien copié. Je veux éviter le dessin mou, hyper-léché, sans force graphique. Les photos peuvent servir à comprendre l’anatomie, le mouvement, à composer un décor mais il faut leur faire des infidélités pour ne pas rester prisonnier de leur côté savant. Le dessin doit sentir quelque chose…
Dario, le personnage principal d’« Afrika » est un ancien barbouze, reconverti dans la protection de la faune sauvage. C’est un homme rugueux. Il ne risque pas de faire peur au lecteur ? On crée un personnage et puis il vous échappe. Dario a un côté Clint Eastwood dans Dirty Harry. Il ne se fait aucune illusion sur les hommes, tout comme moi je m’en méfie. Je souhaite que la Terre aille mieux. Je ne suis ni antisocial ni violent mais il faut pouvoir arracher les pissenlits dans son jardin sans faire de diplomatie. Dario respecte la nature sans illusion : il sait que le lion bouffe la gazelle ! Et que l’homme, lui, est dangereux même quand il a le ventre plein.
Propos recueillis par DANIEL COUVREUR
source : Le Soir
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